L’archéométrie, une science au service de l’histoire de l’Homme et de l’Art

Discipline née dans le sillage de l’archéologie, l’archéométrie permet aujourd’hui de révéler de nouvelles informations sur les techniques utilisées par un artiste pour la réalisation de son œuvre. L’unité de recherches interfacultaire AAP (Art, Archéologie et Patrimoine) et le Centre Européen d’Archéométrie - hébergé au sein de l’Université de Liège - se positionnent plus que jamais comme les acteurs d’une approche scientifique des œuvres grâce au développement de nombreuses techniques mobiles et non-invasives innovantes.

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archéométrie pourrait se définir comme la rencontre des sciences humaines avec les sciences exactes et les sciences de la nature.  Si l’archéologie permet de rassembler des informations liées à la provenance, à l’organisation ou à l’évolution d’une société, l’archéométrie, elle, allie des techniques développées dans les laboratoires afin d’apporter des informations qui permettent d’évaluer les compositions, les évolutions des techniques de fabrication et d’usures des matériaux d’objets archéologiques et d’œuvres d’art, notamment.

L’archéométrie se développe autour de 3 grands axes de recherche : l’archéologie, l’histoire de l’art et la conservation du patrimoine. Cette branche scientifique regroupe de nombreux savoirs et de nombreux savoir-faire qui trouvent leurs sources dans autant de  disciplines scientifiques. « Aujourd’hui on parle plutôt de Technical Arts History  (Histoire de l’Art Technique), souligne David Strivay, directeur de l’Unité de Recherche interfacultaire AAP (Art, Archéologie, Patrimoine) et du Centre Européen d’Archéométrie. Outre l’analyse de la signification artistique des œuvres, nous essayons désormais de retrouver la façon dont travaillaient les artistes, retrouver leurs gestes, la façon dont ils ont réalisé leur œuvre, la  composition des matériaux qu’ils ont utilisés, ce qui permet de suivre l’évolution des techniques utilisées par l’artiste tout au long de sa carrière, ses changements de pratique, ses repentirs. Cela nous permet également d’expliquer l’apparition de dégradations sur l’œuvre afin d’envisager des techniques pour leur restauration.»  Ce travail est possible grâce à la mise en œuvre de nouveaux outils et de nouvelles techniques d’analyses et d’imagerie innovants.

Développer des outils mobiles

« Auparavant, nous devions déplacer les œuvres pour les analyser dans nos laboratoires, explique David Strivay, ce qui pouvait s’avérer dans certains cas assez coûteux, ou tout simplement impossible dans les cas de peintures murales. Nous n’avions alors pas d’autre choix que d’avoir recours à des prélèvements, ce qui était tout à fait dommageable pour les œuvres analysées. Aujourd’hui on fait tout l’inverse, ce sont les chercheurs qui vont à la rencontre de l’œuvre. »  Le développement de nouveaux outils mobiles permet désormais aux chercheurs d’analyser les oeuvres in situ, dans une grotte, un musée ou chez des particuliers. En effet, la lourdeur des procédés utilisés hier tend à s’alléger et laisse désormais la place à des outils d’analyse portables, développés au sein du Centre Européen d’Archéométrie, qui tiennent dans une petite valise qu’il suffit d’emporter avec soi pour effectuer les analyses. Ceci permet de diminuer les manipulations d’œuvres mais surtout, dans le cas de sites archéologiques, de pouvoir se rendre dans les lieux les plus reculés.

Développer des techniques innovantes et non invasives

Les techniques d’analyses développées permettent également de ne plus « toucher » l’œuvre. « Alors que nous analysions auparavant l’œuvre sous des aspects purement physico-chimiques, nous développons aujourd’hui des techniques liées à l’imagerie qui permettent de « voir » l’œuvre sous toutes ses coutures, reprend David Strivay.  Une image est en effet plus parlante et plus complète qu’un seul point d’analyse comme ce que nous pouvions estimer auparavant à partir d’un prélèvement. » Toutes les techniques d’imageries sont utilisées : l’imagerie classique à haute résolution dans le visible, dans l’Ultraviolet, l’infrarouge ou le rasant, mais aussi la radiographie, l’imagerie par fluorescence, la spectroscopie Raman ou FTIR, des analyseurs de gaz, la colorimétrie, etc. Seuls les accélérateurs de particules restent encore aujourd’hui dans les labos.  Ces techniques ont permis la découverte de nombreux repentirs (masquage ou mise en exergue de personnages, d’objets ou d’organes et de leur position) et autres retouches apportées par les artistes sur leur œuvre au moment de leur création et qui restent invisibles à l’œil nu.

Les chercheurs de l’Université de Liège travaillent au développement de techniques encore plus innovantes qui pourront peut-être, demain, permettre l’analyse d’œuvres en trois dimensions grâce à l’utilisation d’outils plus performants et plus légers qui pourraient être utilisés à partir d’un téléphone portable.

Conserver et restaurer

Parce que les œuvres vieillissent et subissent les affres du temps et les conditions de conservation dans lesquelles elles se trouvent, les scientifiques de l’Université de Liège proposent des techniques visant à la conservation et la restauration d’œuvres d’art . « Nous essayons  d’identifier les problèmes qui sont survenus ou qui vont survenir, explique David Strivay. De plus en plus de restaurateurs et de galeries d’art font appel à nous pour identifier les problèmes et essayer de les résoudre en proposant des solutions de conservations ou d’utilisation de nouveaux matériaux pour les restaurer. Nos techniques permettent en effet de rechercher l’origine de certaines altérations pour mieux y faire face. » Les scientifiques ont d’ailleurs recours à la modélisation, afin d’envisager les effets que pourraient avoir les conditions de conservation d’une œuvre sur son évolution et de développer les techniques de restauration appropriées à apporter.

Le travail des scientifiques ne se cantonne cependant pas uniquement à des œuvres du passé mais se tourne également sur des œuvres contemporaines.  « L’artiste n’est pas toujours au courant de ce qu’il utilise et de l’incompatibilité de certaines matières avec d’autres. Dans ces cas-là, nous essayons d’apporter des solutions pour que les oeuvres gardent leur éclat en faisant une étude de la matière et de ses propriétés. »

Fort de son expérience et de la reconnaissance de son savoir-faire, le centre de l’Université de Liège collabore avec de nombreux organismes publics et étrangers, et offre ses services dans l’aide à l’authentification d’œuvres d’art. « Nous n’authentifions pas une œuvre à proprement parler mais nous pouvons aider les restaurateurs et les experts à identifier les erreurs commises par d’éventuels faussaires grâce à l’analyses des techniques artistiques, des pigments ou des matériaux de base utilisés au travers des nombreux outils et techniques que nous proposons », conclut David Strivay.

Une chose est sûre, le recourt aux nouvelles techniques développées par les scientifiques et les historiens de l’Université de Liège semble désormais s’imposer dans les milieux tels que l’histoire de l’art et de l’archéologie.

 

Le Centre Européen d’Archéométrie :
un centre d’études et d’enseignement

Fondé en 2003, le Centre Européen d’Archéométrie s’est spécialisé dans l’étude du patrimoine culturel mobilier et immobilier. Les thématiques de recherches abordent la question des matériaux et de leurs mises en œuvre en confrontant les données historiques et archéologiques aux résultats des analyses scientifiques. Hébergé au sein de l’Université  de Liège, le centre  travaille en étroite collaboration avec des historiens de l’art, des archéologues et des scientifiques issus de la faculté des sciences.

Le Centre Européen d’Archéométrie collabore avec de nombreux organismes publiques belges (IRPA, Universités d’Anvers et de Gand, Musées royaux d’arts et d’histoire, Musées de la Ville de Liège) et étrangers (C2RMF, LAMS – Université Pierre et Marie Curie, Getty Conservation Insitute, etc.). 

Le Centre organise également un Master en Archéométrie, unique en Belgique francophone.

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By conducting collaborations with the institutions of Liège, such as the Musée de la Boverie, and analysing a work by Picasso in Los Angeles, the European Archeometry Centre tries to uncover the secrets of works of art.

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